L’allégresse en toute chose

J’aimais follement ses livres, particulièrement “L’Histoire du Juif errant”, “Au plaisir de Dieu” et aussi “Le Bonheur à San Miniato”.

J’admirais follement l’homme pour son immense culture, son charme, son élégance, sa diction, son espièglerie, son humanité , son appétit de vivre, son éducation.

Je crois que personne ne maitrisait les contraires avec autant de brio : aristocrate jamais hautain, érudit jamais condescendant, séducteur pudique, conservateur humaniste,…..

Il faisait partie d’une catégorie d’hommes en voie de disparition, je les appelle “les poneys sauvages” : des hommes libres, indomptables, inclassables, cultivés semant leur grain de folie avec un savant mélange de drôlerie, de modestie, d’exquise politesse, avec toujours à leurs boutonnières l’élégance du désespoir.

Il fut pour moi un formidable passeur. J’ai eu la chance de le croiser . Il était évidement charmant. J’avais 20 ans, je venais faire dédicacer mon exemplaire tout cabossé du “Juif errant” – il m’avait fait un très gentil compliment. Un peu plus tard, je suis partie seule à Florence pour découvrir toutes ces merveilles don’t il parlait si bien dans “La trilogie du Vent du Soir ».  J’ai eu envie d’apprendre, de lire, de voir, de me cultiver , un peu grâce ou à cause de lui, du moins en partie.

J’ai fait mienne cette sorte de devise familiale que j’avais lue dans une interview de sa fille (je crois dans un Inrock) : “L’allégresse en toute chose , l’accumulation du savoir dans la joie, une vie pleine de curiosité et d’étonnement ».

J’ai retrouvé dans mes papiers cette photo qui illustrait une interview de Sophie Fontanel : elle lui a rendu un très bel hommage sur son compte Instagram.

J’ai aussi retrouvé quelques pages photocopiées d’un de ses livres, peut–être dans « Qu’ai-je donc fait  » : il cite toutes les « merveilles » qui lui font croire en la main de Dieu.

Je vais recopier cette liste, car si ce soir ma tristesse est grande et profonde, j’ai décidé de voir/lire/découvrir le plus possible de ces merveilles – hommage personnel à cet inconditionnel de la beauté, de la joie et des plaisirs.

• Le temple de Karnak à Louxor.
• Le temple de Ramsès II à Gournah.
• L’Iliade et l’Odyssée (déjà fait).
• L’Acropole d’Athènes.
• Rome toute entière (déjà fait).
• Palmyre (pas trop envie d’aller en Turquie – on verra plus tard).
• Les Confessions de Saint Augustin (fait mais il y a si longtemps).
• Saint Siméon près d’Alep (ça va être difficile).
• La mosquée des Oméyades à Damas (ça va être difficile aussi).
• Le chant grégorien.
• Les «  Quatre Grandes » abbayes de Provence.
• Les portes de bronze de San Zeno Maggiore à Vérone.
• Les portes du baptistère de Florence par Ghiberti.
• La Princesse de Trébizonde » par Pisanello dans l’église Sant’Anastasia de Vérone.
• Le tryptique de la Bataille de San Romano par Uccello à Florence, Paris et Londres.
• Le Saint Augustin de Carpaccio à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni à Venise.
• Les fresques de Michel Ange à la chapelle Sixtine (déjà fait – dans de très mauvaises conditions mais soit).
• Le Songe de Sainte Ursule par Carpaccio ) à l’Académie de Venise.
• Le Songe de Constantin par Pierro della Francesca dans l’église San Francesco à Arezzo (déjà fait).
• Presque tout Ronsard.
• Le Cavalier polonais de Rembrandt à la Frick Collection (déjà fait mais un petit rappel me tente bien).
• La Présentation de la Vierge au Temple de Titien à l’Académie de Venise.
• La Madone Pesaro de Titien aux Frari de Venise.
• La Crucifixion du Tintoret à la Scuola du San Rocco de Venise.
• Le tombeau d’Humayun à Delhi.
• Les stances de Polyeucte et la traduction des Psaumes de Corneille.
• Andromaque, Béréncie et Phèdre de Racine.
• Presque tout Bach et d’abord sa Messe en si et ses Cantates.
• Le Messie de Haendel.
• La Création de Haydn.
• Tout Mozart et d’abord l’andante du Concerto 21.
• Presque tout Schubert.
• Plusieurs passages et les dernières pages des Mémoires d’outre-tombe.
• A Villequier de Victor Hugo.
• Presque tout Baudelaire.
• Plusieurs poèmes de Verlaine.
• Sur l’eau de Manet.
• La Ballade la geôle de Reading d’Oscar Wilde
• Presque tout Peguy.
• Plusieurs poèmes d’Aragon.
• La Couronne de plumes d’Isaac Baschevis Singer.
• Un soir de la fin de l’été sur un bateau à voiles à travers le Dodécanèse, dans la baie de Fethiye ou au large de Castellorizo (pas vraiment dans mes moyens mais on verra bien).
• Les calanques de Porto en Corse.
• Une descente à ski, au printemps, de la Maurienne vers l’Italie (déjà pratiqué pas au même endroit mais enfin).
• La vue sur le Jungfrau, le Mönsch, l’Eiger et le Schreckhorn des hauteurs autour de Berne.
• Plusieurs poèmes d’Apollinaire.
• La mort de ceux qu’on aime : je passe.
• Une nuit d’été sous les étoiles.
• La charité et l’amour pour les hommes de ceux qui ne croient pas en Dieu (pas de mon ressort).
• Un enfant, soudain, n’importe où dans la rue ou à la maison (je pratique déjà tous les jours).

Et je rajouterais beaucoup de bains de mer……

Jean d’Ormesson était exquis : ce soir, il me semble que le monde l’est nettement moins.